En France, le discours portant sur la laïcité est récurrent. Tout le monde s’évertue à employer le terme, qu’il s’agisse des politiques, institutions, médias, ou encore des citoyens, sans nécessairement avoir une commune interprétation.
D’ailleurs, la laïcité
consiste elle à tolérer les religions dans l’espace public, ou à les bannir ?
Pour rappel, la laïcité
est définie de la manière suivante : « Conception et organisation de la société fondée sur la séparation de l’Eglise
et de l’Etat et qui exclut les Eglises de l’exercice de tout pouvoir politique
ou administratif, et, en particulier, de l’organisation de l’enseignement.[1]»
Ainsi, en se basant sur
cette définition, il appert que la laïcité fut pensée pour empêcher les Eglises
d’exercer un pouvoir politique ou administratif. De ce fait, elle ne prévoit
pas l’interdiction de la signification d’appartenance à une religion dans l’espace
public (espace public à ne pas confondre avec « monument public » et « emplacement
public » tels que définit à l’article 28 de la loi sur la laïcité de 1905).
La période des fêtes de
fin d’année est devenue un terrain d’affrontement symbolique des partisans des
différentes interprétations de la laïcité. Il semble alors nécessaire de s’interroger
sur la légitimité de ces débats, et de se demander si ces dissensions sont inévitables.
La confusion entre cultuel et culturel
Certains éléments et
événements relèvent du culte, alors que d’autres relèvent de la sphère
culturelle. Toutefois, parmi eux, certains peuvent basculer du cultuel au
culturel.
Ainsi, l’exemple le plus parlant est certainement la fête de Noël, qui de nos jours, rentre davantage dans la seconde catégorie, compte tenu du fait que de nombreux individus non chrétiens la célèbrent.
Les symboles de cette
fête sont désormais la cible de critique, le plus souvent en raison de leur
localisation, puisque souvent visible dans l’espace public (sapin, père noël,
crèche).
Qu’il s’agisse d’individus bien-pensants souhaitant qu’aucun signe
religieux n’apparaisse dans l’espace public, de chrétiens estimant que Noël est
un moyen de revendiquer haut et fort l’héritage chrétien de la France, ou
encore, de pratiquants d’un autre culte estimant que la chrétienté est
favorisée par rapport aux autres religions, ils ont tous en commun le fait d’interpréter
cette fête comme étant une célébration cultuelle et non culturelle, ce qui
semble être une erreur d’appréciation.
Il faut bien comprendre
que si chacun reste libre d’avoir l’interprétation qu’il veut de cette
célébration dans sa vie privée, cette fête appartient également à la culture
nationale.
De ce fait, il ne semble
pas cohérent qu’une fête devenue culturelle, quand bien même aux origines
cultuelles, ait à tomber sous le coup de la loi sur la laïcité de 1905, puisque
n’ayant plus véritablement un caractère religieux au sens large national.
Pour illustrer cette
remarque, un autre exemple pouvant être cité est la fête d’Halloween. Il serait
tout à fait possible de protester quant à ses symboles, en revendiquant le fait
que ce ne soit pas laïque puisqu’étant à l’origine une fête cultuelle. Cependant,
cela semblerait absurde, et ne viendrait probablement pas à l’esprit de
beaucoup d’individus, puisqu’étant quasiment strictement culturelle à notre
époque.
Une prise de conscience
nécessaire
Alors que certains
politiques et médias mettent de l’huile sur le feu en pointant du doigt tel ou
tel fait considéré comme une dérive, ou une atteinte à la laïcité, il
semblerait plus adapté qu’ils aient un comportement responsable visant à l’éducation
et à l’information des citoyens. Au même titre que les personnes qui ont une
fenêtre médiatique devraient insister sur la différence entre nationalisme et
patriotisme, ils devraient prendre conscience de la nécessité absolue de la
définition d’un cadre permettant aux citoyens d’appréhender le plus simplement
possible la différenciation entre culte et culture.
Jamais un peuple n’a
convergé spontanément vers un même idéal de vie, partageant les mêmes valeurs.
Les peuples ont toujours été guidés, et la diffusion de l’information n’a
jamais été plus facile qu’aujourd’hui. Il n’y a donc pas d’excuse possible, d’autant
plus que cette diffusion d’information peut sans aucun doute avoir l’effet
inverse, et créer une perte de repère, voir une désinformation, qu’il appartient de contenir, si ce n’est
de combattre.
C’est ainsi qu’il est aisé
de comprendre la nécessité d’aider un peuple multiculturel tel que celui de la France
à converger vers davantage de tolérance et d’union nationale. Cela ne peut pas
se produire naturellement, et certainement pas lorsque des discours relayés par
les médias sèment plus d’incompréhension que de clarification.
Etre aux responsabilités
implique de gouverner, certes, mais implique également d’unifier, et d’être
pédagogue lorsque la nécessité s’en fait sentir, tel que dans un cas pareil.
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Le véritable problème n’est
alors pas la présence de certains symboles dans l’espace public, mais l’absence
d’information et d’éducation visant à guider les citoyens vers une
interprétation commune. En effet, l’incompréhension de ce genre de phénomène
mène à l’intolérance, qui elle- même contribue à la désintégration d’une
quelconque unité nationale.
C’est ainsi qu’il est possible d’estimer que les dissensions ne semblent pas être une fatalité, et que ce genre de débat sur la laïcité ne devrait être légitime qu’à partir du moment où ils visent à unifier la population, et non la diviser.
Sans reprendre à la lettre l’idée de religion civile théorisée par Jean- Jacques Rousseau dans « Le contrat social », il n’est pas insensé de considérer qu’à notre époque, l’unification d’un peuple passe par des symboles et des rituels communs, la plupart du temps issus de l’histoire du pays, et de fait basculant parfois, ou ayant basculé du culte à la culture. Ce processus ne pouvant vraisemblablement pas s’effectuer excluisvement de manière autonome, il nécessite d’abord une cohésion en matière politico-médiatique.
[1] Source :
Dictionnaire Larousse en ligne, consulté le 13/12/2015, <http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/la%C3%AFcit%C3%A9/45938>